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Paradoxes européens

par Hubert HAENEL, sénateur du Haut-Rhin, président de la délégation du Sénat pour l’Union européenne, ancien membre de la Convention européenne.
Le Figaro 13 mai 2005

Pourquoi une telle division de l’opinion française ?

Il est difficile, de comprendre la division de l’opinion française à l’égard du traité constitutionnel. Car ce texte donne satisfaction aux principales demandes exprimées par la France, tous gouvernements confondus, depuis plus de dix ans.

Nous n’avons cessé de dire que l’élargissement de l’Union devait s’accompagner d’un approfondissement de la construction européenne : c’est précisément ce que réalise le traité. Nous n’avons cessé de plaider pour une Europe politique et sociale : le nouveau traité va plus loin dans ce sens qu’aucun texte jusqu’à présent. Nous avons milité pour une gouvernance économique propre à la zone euro, pour une meilleure garantie des services publics, pour le maintien de l’« exception culturelle » et de la diversité linguistique : tout cela figure dans le texte soumis au référendum. Et l’on peut ajouter que le traité constitutionnel donne à la France, dans les votes au sein du Conseil des ministres, un poids plus grand qu’aujourd’hui.

Nous sommes ainsi devant un paradoxe : voilà un traité qui fait progresser l’Europe et qui, en même temps, fait droit aux demandes françaises dans une proportion inespérée. Et pourtant, les sondages montrent nos concitoyens sur la réserve, tentés par un vote négatif, alors que dans leur immense majorité ils sont attachés à la construction européenne.

D’où vient ce paradoxe ?

Sans doute faut-il pointer l’inertie de notre vie politique, qui ne s’est pas adaptée à la construction européenne. L’Europe, ce n’est pas seulement notre avenir, c’est déjà notre présent. Et cependant, notre vie politique et administrative a toujours maintenu les questions européennes à la marge. Jamais la portée de nos engagements européens n’a été vraiment expliquée. Si l’on se met à l’écoute des électeurs, on voit que les passages de la Constitution qui les inquiètent le plus sont souvent la reprise de dispositions en vigueur depuis longtemps. La primauté du droit communautaire, les principes de libre concurrence ou de libre prestation de services sont des réalités européennes depuis des décennies. Au lieu d’y voir des données de base de l’action politique, nous avons préféré en minimiser la portée.

Trop souvent, l’Europe a servi de bouc émissaire : « C’est la faute à Bruxelles ». Parfois au contraire, elle a été présentée comme une panacée : « L’Europe va nous protéger de la mondialisation ». Mais dans tous les cas elle est restée une sphère opaque.

Les carences de notre vie politique suffisent cependant à expliquer le paradoxe actuel ? Je n’en suis pas sûr, même si je crois qu’elles en sont un des éléments importants.

Il faut bien constater que, au bout d’un demi-siècle, les institutions européennes continuent à surplomber des pays membres dans lesquels elles n’ont pas véritablement pris racine. Les « fonctionnalistes » pensaient qu’une conscience européenne émergerait du marché commun : l’évolution ne leur a donné raison, pas plus qu’à ceux qui, comme Jacques Rueff, estimaient que l’Europe se ferait par la monnaie. Jusqu’à présent, ni des institutions communes ni un marché et une monnaie uniques n’ont suffi à faire naître une citoyenneté européenne. L’ampleur de l’abstention aux élections européennes est à cet égard un signe qui ne trompe pas. Or, la France, dans ce domaine, n’est pas pire que les autres : si, aux dernières élections européennes, l’abstention a atteint 57% dans notre pays, elle a été proche de 60% en Allemagne. En réalité, s’il y a un paradoxe français, il y a aussi un paradoxe européen, celui d’une démocratie sans véritable demos.

Quelle Europe voulons-nous ? Une Europe dont nous nous sentions citoyens, une Europe qui trouve la base de sa vie démocratique dans un espace public commun. Cela suppose des institutions mieux contrôlables, mieux identifiables, plus responsables devant les électeurs : le traité constitutionnel est un grand pas en avant dans ce sens, mais il en faudra d’autres. Et cela suppose aussi beaucoup plus de communication entre les espaces publics nationaux. Ce n’est pas un hasard si les « pères fondateurs » étaient tous des hommes des Marches, au confluent de plusieurs cultures. Etre Européen, n’est-ce pas sentir en soi la diversité qui est la source même de l’identité eu ropéenne ? Il pourrait y avoir là une perspective mobilisatrice pour les années qui viennent : revoir les systèmes de formation et les conditions des échanges culturels dans une perspective européenne, pour que l’Europe retrouve sur ce plan l’« unité dans la diversité » qu’elle a connue à d’autres périodes de son histoire. C’est lorsque la citoyenneté économique et politique européenne s’appuiera sur une forme de « citoyenneté culturelle » que l’Europe sera complètement fondée.

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