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Accueil - Interventions en séance publique - Projet de loi sur les peines planchers contre les récidivistes

Discours de Jean-René Lecerf, sénateur du Nord

Je m’étonne des commentaires entendus ces derniers jours sur ce texte. Les dispositions nouvelles qui nous sont proposées faisaient clairement partie des engagements de campagne de Nicolas Sarkozy. Certains peuvent encore être surpris qu’un président élu tienne les promesses du candidat, mais il faudra s’y habituer. N’oublions pas que les électeurs se sont exprimés, qu’ils ont élu un nouveau président, un nouveau Parlement, et c’est bien aux parlementaires de décider de la loi dans le respect de la Constitution, et à nulle autre autorité.

Le phénomène de la récidive, rapporté au nombre total des condamnations prononcées, reste pour ainsi dire anodin. Il représente environ 6 % du total des condamnations pénales, ce qui relativise les pourcentages impressionnants d’augmentation : plus 145 % en cinq ans pour les seuls crimes et délits violents. Mais tout change si l’on retient, non la définition juridique, mais la signification que ce mot revêt dans l’opinion, qui l’assimile à la réitération ou au concours d’infractions : les chiffres deviennent impressionnants.

Selon une étude du ministère de la justice en date d’avril 2005, plus d’un condamné sur deux récidive, au sens commun du terme, dans les cinq ans qui suivent sa libération. Ce taux atteint 70 % pour les cas de violences volontaires avec outrage, et 72 % pour les vols avec violence. Près du tiers des condamnés pour agressions ou atteintes sexuelles sur mineurs récidivent dans les cinq ans qui suivent leur sortie de prison.

Dans mon rapport sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, je faisais état d’une étude menée en 2002 sous les auspices du ministère de la Justice, qui constatait que, sur 18 000 mineurs condamnés en 1996, 49 % l’avaient été de nouveau dans les cinq années suivantes. M. Zocchetto cite une étude plus récente, révélant que sur les 16 000 mineurs condamnés en 1999, 55,6 % l’ont été de nouveau dans les cinq ans. Il est difficile, dès lors, de ne pas conclure à l’urgence.

Contrairement à une conviction presque unanimement répandue, le mode de libération des détenus -ce n’est pas sans conséquence- reste peu discriminant, de l’ordre de 26 % pour les libérations conditionnelles contre 30 % pour les fins de peine. La solution miracle reste donc à inventer.

Je m’étonne des commentaires à l’emporte-pièce qui taxent de fantasmes les vertus dissuasives de ce texte : la certitude de la sanction ne faciliterait en rien la lutte contre la récidive, et pourrait même la compliquer. Mais les délinquants, quel que soit leur âge, assimilent fort bien la portée de la règle de droit. Vous évoquiez récemment, madame la ministre, ces propos d’un mineur au centre éducatif fermé de Rouen : « Madame, c’est vrai que si on recommence, on va être jugé comme des majeurs ? » Je me souviens pour ma part de l’audition, devant la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, du père Gilbert, qui nous contait l’histoire de Yann, douze ans et trois mois, répondant, en « distingué juriste », à ses admonestations : « Moi, monsieur, j’ai neuf mois à tirer. » Comment croire que la sanction est sans vertu dissuasive ?

Ce texte créerait, nous dit-on, des peines automatiques, et supprimerait l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs. Ceux qui l’affirment ont-ils lu le projet ? On peut en douter. La liberté d’appréciation du juge est préservée. Et l’obligation de motivation est-elle une charge si accablante, alors qu’il ne s’agit que d’exprimer des arguments dont on est en droit de penser qu’ils ont servi de fondement à la conviction du juge ? Quant à l’extension des conditions dans lesquelles celui-ci pourra écarter l’excuse de minorité pour les mineurs de plus de seize ans auteurs d’infractions d’une particulière gravité, elle ne peut être assimilée à un reniement de la règle d’atténuation érigée par le Conseil constitutionnel en principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Dernière objection, plus largement partagée : le risque d’augmentation du nombre de détenus. Le rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, Prisons : une humiliation pour la République, dressait un constat tragique : maisons d’arrêt surpeuplées, droits de l’homme bafoués, arbitraire carcéral, loi du plus fort, contrôles inefficaces. Depuis 2000, la situation a évolué : création d’emplois, notamment de personnel d’insertion et de probation ; programmes de développement et de modernisation du parc immobilier ; création d’établissements exclusivement réservés aux mineurs ; efforts en faveur de la réinsertion. Le moment est venu de passer d’un progrès quantitatif à une évolution qualitative décisive.

Vous nous avez annoncé, madame la ministre, deux textes à venir, l’un sur la mise en place d’un contrôle général des lieux privatifs de liberté, l’autre, une grande loi pénitentiaire révolutionnant les conditions de détention et d’insertion. Ils devraient assurer une salutaire rupture, que nous attendons tous sur ces bancs. La prison sera alors lavée de l’accusation d’être une école de la récidive. Elle deviendra un lieu aidant les détenus qui payent leur dette à l’égard des victimes à accéder à l’éducation, à la formation, et à travailler ainsi à leur réinsertion.

Il est temps de surmonter l’opposition stérile entre partisans de l’éducation et partisans de la répression pour réhabiliter la sanction d’un point de vue éducatif. Lorsque la prison contribuera à la restructuration de l’individu, elle deviendra un outil, à côté des autres, propre à faire reculer la récidive. Dans cette perspective d’un bénéfice sur le long terme, devient acceptable une augmentation de la population carcérale à court terme, que les peines alternatives pourraient limiter.

Il faut donc envisager ce texte en cohérence avec les deux projets à venir annoncés. Vous pouvez compter, madame la ministre, sur l’entier soutien du groupe UMP.

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