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Intervention de Hugues Portelli au Congrès du 19 février 2007

Hugues Portelli (Val d’Oise) est intervenu, au nom du groupe UMP du Sénat, lors de l’explication de vote pour le projet de loi constitutionnelle relatif à l’interdiction de la peine de mort.
Monsieur le président du Congrès,
monsieur le président du Sénat,
monsieur le Premier ministre,
messieurs les membres du Gouvernement,
mes chers collègues,

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a pas de constitution », proclame la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

« Une constitution qui, au XIXe siècle, contient une quantité quelconque de peine de mort n’est pas digne d’une République », ajoutera Victor Hugo.

Combien de décennies aura-t-il fallu attendre pour que ces principes soient effectivement reconnus et respectés dans notre pays ?

Certes, la constitutionnalisation de l’interdiction de la peine de mort réjouit tous les défenseurs des droits de l’homme en France et dans le monde, mais elle ne doit pas nous faire oublier que la France, qui se targue d’être le pays des droits de l’homme, n’a aboli que tardivement cette peine inhumaine et qu’elle n’est pas non plus parmi les premières à introduire cette interdiction dans sa loi fondamentale.

Nous ne banaliserons pas un tel événement, qui constitue un hommage à toutes les générations de combattants pour la dignité de la personne humaine et pour une justice respectueuse du droit à la vie.

L’abolition de la peine de mort est une décision politique qui s’enracine dans le choix d’individus éclairés, soutenus par un mouvement international qui s’est traduit par des traités successifs, auxquels la France a fini par adhérer.

Sa traduction constitutionnelle démontre que, dans des cas aussi importants, il n’est pas possible de s’en remettre a priori à la volonté populaire, à la société civile ou à la décision des juges.

Si, en 1981, un référendum avait été organisé sur la peine de mort, celle-ci aurait été maintenue. Après le vote du Parlement, guidée par les positions courageuses de François Mitterrand, Robert Badinter et Jacques Chirac, l’opinion a lentement évolué, se rendant enfin compte que la peine de mort, injuste moralement, était inefficace pénalement et socialement.

De même, l’observation des prises de position des grandes institutions religieuses montre qu’elles n’ont pas été unanimes ni particulièrement rapides pour traduire dans leur enseignement social ce qui aurait dû naturellement découler de leur conception des droits de l’homme.
Au nom de la responsabilité de l’homme et de sa liberté de choisir entre le bien et le mal, certaines ont longtemps justifié l’acceptation de la peine de mort par la nécessité d’assumer les conséquences de ses fautes, proportionnellement à leur gravité.

Il a fallu que le caractère sacré de la vie humaine soit posé comme un absolu pour que l’abolition de la peine de mort l’emporte enfin.
Par ailleurs, l’expérience de la Cour suprême américaine montre, lorsque l’on examine ses volte-face successives, qu’une question aussi fondamentale ne peut être tranchée sous l’angle de la simple procédure juridictionnelle :
la réponse à cette question doit s’appuyer sur un choix éthique, qui ne peut être confié au juge, mais dont la responsabilité incombe à la représentation nationale.

Dès lors que le législateur avait aboli la peine capitale et que la ratification des protocoles additionnels à la Convention européenne des droits de l’homme, comme l’acceptation de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, empêchaient le législateur de revenir sur sa décision, pourquoi introduire cette interdiction dans la Constitution ?

Certes, la ratification par la France du deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté à New York le 15 décembre 1989, qui ne prévoit pas de possibilité de dénonciation, impose, selon le Conseil constitutionnel, une révision de la Constitution.

Mais si cette révision a pris la forme d’une déclaration solennelle incluse dans le titre relatif à l’autorité judiciaire, c’est-à-dire au coeur de notre Constitution, c’est que le motif essentiel est d’une autre nature.

En 1958, notre Constitution, écrite en quelques mois, avait pour priorité de reconstruire l’État, de restaurer sa souveraineté et ses institutions.
Ses rédacteurs firent l’économie d’une déclaration solennelle des droits et s’en remirent à un renvoi aux grands textes fondateurs, de la Déclaration de 1789 aux grandes lois républicaines de la IIIe République et au Préambule de la Constitution de 1946. Mais ce renvoi n’avait pas valeur de droit positif et il fallut attendre les décisions courageuses du Conseil constitutionnel pour qu’il en soit ainsi treize ans après son entrée en vigueur.

Ces dernières années, notamment sous l’influence du droit européen et du droit international, la Constitution a intégré de nouveaux droits fondamentaux.

Désormais, ce n’est plus l’État qui choisit, définit et protège ces droits, mais la Constitution qui impose à l’État, à son Parlement et à ses tribunaux de respecter les droits du citoyen, et en particulier le plus important d’entre eux, le droit à la vie.

Comprenons bien qu’il ne s’agit pas seulement d’interdire aux tribunaux de prononcer des peines « cruelles et inhabituelles », comme pourrait le faire la Cour suprême américaine si elle lisait avec humanité le VIIIe amendement de la Constitution des États-Unis, mais de retirer purement et simplement à l’État le droit de vie ou de mort sur ses citoyens au nom d’un droit international supérieur, d’essence morale, qui transcende toutes les souverainetés.

Cette révision n’est pas que la dernière étape d’un long processus historique, parti du siècle des Lumières. Elle est surtout la reconnaissance, par la République française, de normes éthiques supérieures, communes à toute l’humanité, qui s’imposent aux États, et qu’il nous faut maintenant défendre, avec fermeté et humilité, dans tous les États où la peine de mort n’est pas abolie, notamment dans les grandes démocraties comme les États-Unis ou le Japon.

Cette révision ne clôt pas le débat sur le fonctionnement de notre justice, sur l’état de notre système pénitentiaire, sur le respect de la personne humaine jusque dans les prisons de la République où, là aussi, le chemin est encore long qui conduit la France au niveau des grandes démocraties d’Europe. Elle clôt encore moins le débat juridique sur la vie et la mort, sur le statut du corps humain, être ou avoir de la personne.

L’interdiction absolue de la peine de mort sous-entend cependant une approche qui est celle du droit naturel et non du positivisme, une conception de l’homme comme être spirituel et non simplement biologique, et c’est l’honneur du politique que d’avoir tranché en faveur de la conception la plus noble et la plus exigeante de la personne humaine.

Le groupe UMP du Sénat, unanime, ne peut que la partager.
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